#3 Vision urbaine : Le rap c’était mieux avant ? Part 2

Vision Urbaine

Vision Urbaine

Dans le numéro précédent, nous analysions le rap des années 90/2000. Époque des classiques, des revendications et la poésie urbaine. Il est temps de s’attaquer maintenant à la partie corsée de la comparaison. Le rap actuel.

État des lieux. Rares sont les rappeurs d’antan encore réellement présents sur cette scène. On pourrait les compter, mais on va se contenter d’en citer quelques-uns. Le Duc, obviously. Disiz, Kery… Et c’est à peu près tout (on parle du devant de la scène, les rappeurs que les moins de vingt ans peuvent connaître). Globalement, le domaine est en constant turnover. Certains quittent le rap game pour rentrer dans la variété. D’autres n’ont pas réellement le talent pour faire carrière longue. Remarque : Certains n’ont pas le talent, mais s’imposent tout de même. Qui suis-je pour juger ? Zéro mixtape à mon actif, je sais !

Si l’on revient sur l’allégation « Le rap c’était mieux avant », il faut comprendre ce qui déçoit tant aujourd’hui.
Certains éléments sont évidents.
La musicalité ! Il y a quelques années, un mouvement a connu un essor retentissant, notamment grâce à nos camarades kainris. La trap. Oui, vous savez le style soirée grosses bouteilles payées par des mecs sapés dans des collections Versace criardes ! Le rap caviar !
Portée par des Migos, ou encore Future. Le principe était simple. Un banger lourdement drivé par une bassline bien épaisse. Et par-dessus, un mode repeat inlassable. Souvent, un nom de marque de vêtements pas peu onéreux. Exemple Petit Bateau.
Le courant fait son bout de chemin jusqu’au vieux continent, et creuse son trou chez nous sans pression. À partir de là forcément, beaucoup moins d’envolées lyriques, cela va sans dire.

Vision Urbaine - Le trio Migos
Le trio Migos

Un contexte qui change

Le discours aussi a changé ! Avec le succès du rap durant ces vingt dernières années, les gens qui chantaient leur pauvreté ont fini par devenir riches. Le rap bling bling fait son entrée. Les clips ne deviennent plus qu’étalage de l’opulence. Gros gamos par-ci, liasses de billets par-là. Tout ça dans des grosses villas vue sur la mer. Alors la jeunesse suit. Parce que l’on reproduit ce que l’on voit. Parce que l’on s’inspire de ce qui est déjà là. Le style fait fureur. Malgré une évidente dissonance entre les images et le mode de vie de ceux qui les regardent. Avant, on se sentait proche d’un discours venu d’en bas. Maintenant, c’est le rêve de cette vie de luxe qui peuple les nuits des classes plus précaires. La dolce vita ! Chemise à fleurs ouverte, lunettes de soleil, piscine et palmiers contre survêt bitume.
Les plus vieux sont réfractaires. Pour eux, ce rap n’a pas de valeurs. Ce rap ment. Heureusement, certaines pointures restent fidèles à leurs belles heures. Du coup, il y en a toujours pour tous les goûts ! Merci Kery.

Vision urbaine - Mobali
Chemise ouverte, palmiers, piscine… La dolce vita !

La street cred, la fin d’une époque

Pourtant, comme pour tout, on pourrait simplement se dire que le rap évolue avec son temps. Mais un dernier point vient ternir ce beau tableau de Darwin du mouvement musical urbain. La dimension « pour nous, par nous » semble s’estomper, et pour beaucoup, c’est le coup de trop. La démocratisation du rap, c’est l’ouverture au grand public. En touchant plus de monde, on inspire plus de monde. Si les rappeurs des nineties pouvaient se targuer d’avoir une street cred béton, ce n’est plus forcément un coefficient élevé pour l’exam d’entrée. Pour les réfractaires susmentionnés, on ose parler d’appropriation culturelle.

Vision urbaine - Niska
Normalement, y’a un peu de street cred là

Aucun de ces critères ne vise pourtant le talent. Néanmoins, si l’on devait parler d’une baisse à ce niveau-là, il faudrait accepter l’idée que ce ne soit ni vrai ni faux. L’arrivée de styles plus musicaux et plus dansants est l’un des vecteurs de cette idée de perte qualité. Moins axé sur le côté lyrique, ce rap déçoit les habitués de la plume tranchante. Pour autant, les lyricistes ne sont pas morts. Ils sont juste plus dilués dans un éventail plus large d’artistes.

Voilà, c’est tout pour cette analyse ! N’hésitez pas à nous dire si vous êtes d’accord ou non dans les commentaires. Et n’oubliez pas ! L’art est notre cadeau pour les générations futures ! Peace!

PS : Un petit cadeau de marque se cache dans cette playlist !

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Jérémy aka
Le dernier WordBender, Father of Malkia et bien d'autres personnages. L'art est notre cadeau pour les générations futures.

Jérémy Musoki