#2 Vision urbaine : Le rap c’était mieux avant ?

Vision Urbaine

Vision urbaine

L’un des grands débats de notre époque. Porté par un clash des générations. La difficulté pour les plus jeunes de se faire comprendre par leurs aînés. Pour les plus vieux, le discours est simple. C’était mieux avant. Et on applique cet adage à tous les domaines. Grossière erreur. Si l’on prend le cinéma ou la japanimation par exemple, on peut constater que bien que des œuvres aient été sacralisées par le passé, de nouvelles y parviennent aussi. L’avancée dans le temps vectrice de nouvelles possibilités visant à optimiser l’expérience consommateur. Si les années 2000 ont été l’époque des piliers (Bleach, Naruto, One Piece), on ne peut nier l’arrivée de nouveau monstre dans le domaine (Sword Art Online, My Hero, Re-Zero, pour ne citer que ceux-là).
Cependant, peut-on en dire autant pour le milieu musical ? Et surtout pour les styles dits « urbains » ?

« Le rap, c’était mieux avant ! »

Allégation que l’on entend bien trop souvent. J’avoue qu’il m’arrive de le dire. Mais décryptons les raisons de cette assertion. Si on prend le cas du rap et son évolution à travers le temps, entre les années 90 et maintenant, le net changement observé n’est ni la passion, ni le talent, mais le but. Je m’explique. Le rap de l’ancienne époque était le rap des revendications. Le rap pour exister. NTM, IAM, Booba, Passi, Ménélik, Sniper, Kery. Tous ces artistes avaient un dénominateur commun. L’envie d’exister telle une fleur perçant le bitume (notez l’utilisation volontaire de la comparaison à une fleur en toute connaissance du genre musical).
Si l’on peut se permettre de dire une chose, c’est que le rap de l’époque avait du sens. Pour les gens nés dans ces eaux-là, l’inclusion dans le mouvement allait avec un mode de vie. La vie en banlieue. Se sentir concerné par les sujets tout ça. Le rap était poésie. L’image de la plume remplacée par un stylo bic. Des propos acerbes, sur les vérités du monde. Un point de vue unique jusqu’alors rendu muet par le brouhaha de l’aristocratie. La voix de la rue. L’ironie des gens considérés comme moins lettrés jouant avec insolence de la langue de Molière.
Cette époque est l’époque des classiques. Les sons intemporels du rap français. Une époque que les plus jeunes n’ont pas connue. « 11’30 contre les lois racistes », « Le testament », « Ma définition »… la liste est sans fin en réalité. La pauvreté, les inégalités ainsi que l’insécurité sont étroitement liées à ce mouvement né de la souffrance. La grinta ! La banlieue qui rêve d’un beau et luxueux Paris.

Vision urbaine - Lunatic

La fin de la street cred

Il faut prendre conscience que plus l’évolution musicale, c’est une évolution de la culture qui a eu lieu. Une évolution du spectre des artistes. Ce changement contribue grandement à cette idée du rap qui était mieux avant. Sans mâcher nos mots, on peut clairement parler d’un sentiment d’appropriation culturelle. Cette idée flotte autour de beaucoup de rappeurs d’aujourd’hui. Plus besoin de street cred, plus besoin de vécu. Donc textes plus forcément liés à l’essence même de l’essor du mouvement. Logique que les OG sortis des quartiers n’adhèrent pas. Le rap c’était surtout du « pour nous, par nous ». Cela n’enlève en rien le talent de certains rappeurs d’aujourd’hui, peu importe l’endroit d’où ils viennent.

Vision urbaine - Supreme NTM

Si l’on doit noter un autre grand changement, c’est l’évolution de l’instrumental. Alors qu’aujourd’hui la tendance est à la trap et son focus sur de grosses basslines, le old school se reposait sur des intrus pleines de variations, de sonorités et de drums. Le mot d’ordre était la musicalité avant même d’entendre les lines des lyricistes. Et cela à son importance. On avait moins le sentiment d’écouter systématiquement la même prod. Une instru, c’était aussi une patte, une empreinte, une signature. Tout comme les clips. Des grands noms ce sont fait durant cet âge d’or. Des Chris Macari, Animalsons et autres !

Voilà pour ce « vision urbaine ». Pour le prochain on tâchera de décortiquer le vent nouveau de la jeune génération ! Même si on sait que certains balancent déjà des « Mais pour quoi faire ? Le rap c’était mieux avant, c’est tout ! ». En attendant, si vous n’avez pas lu le premier, c’est ici !

Et je vous laisse avec cette playlist The Kyu : Le rap c’était mieux avant !

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Jérémy aka
Le dernier WordBender, Father of Malkia et bien d'autres personnages. L'art est notre cadeau pour les générations futures.

Jérémy Musoki